DECISION DU CONSEIL DE DISCIPLINE DES BARREAUX DE LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

Date: 25/06/2020 | Nature: Relaxe



DECISION DU CONSEIL REGIONAL DE DISCIPLINE


DES BARREAUX DE LA COUR D’APPEL DE BORDEAUX


AUDIENCE DU 25 JUIN 2020


 


 


Poursuites contre X


 


 


 


Ont siégé :


 


Président : Monsieur le Bâtonnier Manuel DUCASSE (Bordeaux)


 


Membres titulaires :


 


Madame Solène ROQUAIN-BARDET (Bordeaux), secrétaire de séance


Madame Dominique BASTROT (Bordeaux)


Monsieur Dominique DELTHIL (Bordeaux)


Madame Jutta LAURICH (Bordeaux)


Madame Emmanuelle GERARD-DEPREZ (Bordeaux)


Monsieur Jacques-Brice MOMNOUGUI (Bordeaux)


Monsieur Bernard COTRIAN (Charente)


Monsieur Pierre DANIEL-LAMAZIERE (Périgueux)


Madame Hélène JANOUEIX (Libourne)


Monsieur le Bâtonnier Dominique ASSIER (Bergerac)


 


 


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PROCEDURE


 


Par acte en date du 4 novembre 2019 dénommé « acte de saisine du Conseil de Discipline des Avocats du ressort de la Cour d’Appel de Bordeaux », Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats a saisi le Conseil de Discipline des faits qu’il impute à X, dans les termes suivants :


 


« Contrairement à ce que X semble croire, le débat ne porte pas sur l'interprétation et l'application au cas d'espèce de l'article 9.3 du RIN. 


 


Ce débat a été tranché initialement par le bâtonnier en 2016 et, de manière complémentaire, par le bâtonnier en exercice à la suite de la note du Conseil national des barreaux. 


 


Il ressort donc de ce qui précède que monsieur le bâtonnier  en 2016, avait considéré que X ne saurait plaider contre Y et lui avait demandé de se déporter du dossier. 


 


Que X avait confirmé par écrit au bâtonnier qu'il acceptait de se déporter. 


 


X n'a pas respecté son engagement puisqu'il a par la suite plaidé devant le tribunal de commerce de Saintes. 


 


A la suite de l'avis sollicité par le bâtonnier ………, le bâtonnier en exercice rendait un avis détaillé lui confirmant qu'il ne pouvait se maintenir en cause d'appel, quand bien même Y n'était plus avocat. 


 


Depuis lors, X a adressé de nombreux courriers indiquant qu'il n'entendait finalement pas se déporter et a donc fini par rédiger des conclusions, signifiées par son postulant, portant son nom et à l'en-tête de son cabinet. 


 


L'article 1.3 du RIN dispose : 


 


« Les principes essentiels de la profession guident le comportement de l'avocat en toutes circonstances. L'avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d'honneur, de loyauté, d'égalité et de non-discrimination, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. Il fait preuve, à l'égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence. » 


 


L'article 1.4 du même règlement prévoit : 


 


« La méconnaissance d'un seul de ces principes, règles et devoirs, constitue en application de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991 une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire. » 


 


X a volontairement ignoré l'avis du bâtonnier, malgré son propre engagement, de première part et celui du bâtonnier en exercice de seconde part. 


 


Que par ailleurs, le ton désinvolte de ses courriers dénote un manque de respect pour l'institution ordinale, en l'espèce le courrier du 14 mai 2019 aux termes duquel il demande au bâtonnier de lui expliquer ce qu'est l'ordinalité, ainsi que le courrier du 16 octobre 2019 aux termes duquel il met en doute la neutralité de celui-ci. 


 


Par son attitude, X manque à ses devoirs à l'égard de son ordre et à ses obligations professionnelles relatives à la confraternité et à la délicatesse. 


 


L'article 183 du décret du 27 novembre 1991 dispose : 


 


« Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout manquement à la probité à l'honneur ou à la délicatesse expose l'avocat qui en est l'auteur aux sanctions disciplinaires énumérés à l'article 184. » 


 


Il ressort de ce qui précède que le comportement de X est susceptible de recevoir la qualification prévue par ce texte. 


 


EN CONSEQUENCE et en application de l'article 188 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, 


 


LE BATONNIER SOUSSIGNE a l'honneur de saisir le Conseil de discipline des barreaux du ressort de la Cour d'appel de Bordeaux, 


 


Des faits décrits ci-avant et dont il estime qu'ils sont susceptibles de recevoir la qualification et les sanctions prévues par les articles 183 et 184 dudit décret ». 


 


 


Le Conseil de l’Ordre a, suivant délibération du 12 novembre 2019, désigné Z, membre du Conseil de l’Ordre, pour procéder en qualité de rapporteur désigné à l’instruction de la procédure disciplinaire.


 


X a été entendu par le rapporteur en date du 28 novembre 2019 ; cette audition a donné lieu à un procès-verbal contresigné par le rapporteur et X ; ce procès-verbal ainsi que le rapport de Z ont été versés au dossier disciplinaire.


 


Par citation par acte d’huissier de justice en date du 28 mai 2020, le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats a fait convoquer X devant le Conseil de Discipline.


 


X a fait le choix pour l’assister de W lequel a fait parvenir au Conseil de Discipline avant l’audience un mémoire et des pièces qui ont été régulièrement versés au dossier.


 


Le 25 juin à 17 heures, l’audience s’est ouverte sous la présidence du Bâtonnier DUCASSE avec la composition mentionnée en tête des présentes.


 


Aucune demande de huis-clos n’ayant été présentée, l’audience s’est tenue publiquement.


 


Le président a donné lecture de l’acte de saisine du 4 novembre 2019 ainsi que des lettres adressées par X à Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats en dates des 14 mai 2019, 11 juin 2019 et 16 octobre 2019, visées dans l’acte de saisine.


 


Le Président et les membres du Conseil de Discipline ont demandé à X de préciser un certain nombre de points du dossier.


 


La parole a ensuite été donnée au Bâtonnier qui a développé les termes de son acte de saisine.


 


Puis W a développé les termes du mémoire déposé dans l’intérêt de X.


 


La parole a été enfin donnée en dernier à X qui n’a pas souhaité ajouter d’observations à celles de son avocat.


 


L’audience a été levée par le Président et le Conseil s’est réuni pour délibérer.


 


 


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SUR LE FOND


 


Le Conseil a tout d’abord délibéré sur les limites de sa saisine fixées par les termes de l’acte du Bâtonnier en date du 4 novembre 2019.


 


A la majorité des voix, il a jugé qu’il était saisi :


 


-         d’une part de ce que X avait volontairement ignoré l’avis du Bâtonnier malgré son propre engagement de première part et celui du Bâtonnier en exercice de seconde part en se maintenant dans la défense des intérêts de la société …….. dans les procédures opposant celles-ci à Y, ancien avocat, et ancien Bâtonnier,


 


-         d’autre part de faits caractérisant un manque de respect pour l’institution ordinale et spécialement pour le Bâtonnier dans des courriers adressés à ce dernier en dates des 14 mai 2019 et 16 octobre 2019, et plus généralement pour avoir ainsi manqué à ses devoirs à l’égard de son Ordre et à ses obligations professionnelles relatives à la confraternité et à la délicatesse.


 


Pour les détails des moyens développés, il convient de renvoyer à l’acte de saisine de Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats et au mémoire déposé au dossier disciplinaire au nom de X.


 


Il en ressort que dans un premier temps, X avait déféré à l’avis qui lui avait été notifié par son Bâtonnier en 2016 l’invitant à cesser la défense des intérêts de la société ……… dans le litige opposant celle-ci à Y, ancien avocat de ladite société et alors toujours inscrit au Barreau.


 


Il est également constant que par lettre du 4 juillet 2017, X a communiqué au nouveau Bâtonnier de l’Ordre des Avocats sa décision de reprendre la défense des intérêts de la société ……….. contre Y au motif que celui-ci n’avait plus la qualité d’avocat inscrit au Barreau pour avoir démissionné en date du 31 décembre 2016 et que cette lettre n’a donné lieu à aucune notification du Bâtonnier.


 


Après que l’affaire ait été jugée en première instance au Tribunal de Commerce en date du 16 novembre 2017, et alors qu’elle était pendante devant la Cour d’Appel, sur la plainte de Y, le Bâtonnier a notifié en date du 2 avril 2019 un avis déontologique aux termes duquel il disait que « X ne peut continuer à intervenir aux côtés de la SAS ……….. dans le cadre du litige qui l’oppose à Y et actuellement pendant devant la Cour d’Appel …. ».


 


Il s’en est suivi un échange de correspondances entre le Bâtonnier et X aux termes duquel celui-ci a argumenté pour contredire l’analyse du Bâtonnier et indiquer qu’il n’entendait pas se dessaisir du dossier, ce qui a été matérialisé par le dépôt de conclusions dans l’intérêt de la société …….


 


S’agissant tout d’abord du premier chef de poursuites, le Conseil de Discipline juge, conformément à une jurisprudence qui apparaît bien établie, que l’avis du Bâtonnier « ne peut être qualifié de décision ayant force obligatoire en ce qu’il ne présente aucun caractère contraignant » et qu’en conséquence « son destinataire n’est pas tenu de le suivre ».


 


Dans ces conditions, le seul fait pour X de ne pas avoir déféré à l’avis déontologique de Monsieur le Bâtonnier ne saurait constituer à lui seul une infraction disciplinaire au sens des articles 1-3 et 1-4 du RIN et 183 du décret du 27 novembre 1991 visés dans l’acte de saisine à l’exclusion de tout autre fondement.


 


 


S’agissant du deuxième chef de poursuites, après avoir analysé l’échange de correspondances entre X et Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats, et spécialement les deux lettres du 14 mai 2019 et 16 octobre 2019 visées dans l’acte de saisine, le Conseil juge que si de telles lettres développent une argumentation exprimée parfois en termes vigoureux par l’avocat au soutien de sa contestation de l’avis donné par le Bâtonnier, elles ne comportent pas de termes outrageants ou portant atteinte à l’honneur et à la considération due au Bâtonnier de l’Ordre, pas plus qu’elles ne caractérisent un manquement à la confraternité et à la délicatesse.


 


Le Conseil observe tout particulièrement que les interrogations de X dans sa lettre du 16 octobre 2019 quant à l’utilisation procédurale faite de l’avis déontologique du Bâtonnier du 2 avril 2019, apparaissent légitimes et ne constituent pas un manquement disciplinairement sanctionnable.


 


Le Conseil en conséquence juge que sur ce chef également, la poursuite n’est pas fondée.


 


 


 


EN CONSEQUENCE, et après en avoir délibéré,


 


Le Conseil de Discipline du ressort des Barreaux de la Cour d’Appel de Bordeaux,


 


Décide n’y avoir lieu à prononcer une sanction disciplinaire sur le fondement des chefs de poursuites dont il a été saisi par Monsieur le Bâtonnier par acte du 4 novembre 2019.


 


Relaxe X des fins de la poursuite.


 


Dit que le présent arrêté disciplinaire sera notifié à X, à Monsieur le Procureur Général près la Cour d’Appel de Bordeaux et à Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats.


 


 


Fait à Bordeaux, le 29 juin 2020.


 


 


 


Manuel DUCASSE                                              Solène ROQUAIN-BARDET


Président                                                    Secrétaire