DECISION DU CONSEIL DE DISCIPLINE DES BARREAUX DE LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

Date: 27/02/2020 | Nature: Interdiction temporaire d’exercice



DECISION DU CONSEIL REGIONAL DE DISCIPLINE


DES BARREAUX DE LA COUR D’APPEL DE BORDEAUX


AUDIENCE DU 27 FEVRIER 2020


 


 


Poursuites contre X


 


 


 


Ont siégé :


 


Président : Monsieur le Bâtonnier Manuel DUCASSE (Bordeaux)


 


Membres titulaires :


 


Madame Solène ROQUAIN-BARDET (Bordeaux), secrétaire de séance


Madame Dominique BASTROT (Bordeaux)


Monsieur Dominique DELTHIL (Bordeaux)


Madame Jutta LAURICH (Bordeaux)


Madame Emmanuelle GERARD-DEPREZ (Bordeaux)


Madame Sophie ROBIN-ROQUES (Charente)


Monsieur Bernard COTRIAN (Charente)


Madame Cécile BARBERA-GERAL (Charente)


Monsieur Dominique ASSIER (Bergerac)


Monsieur Pierre DANIEL-LAMAZIERE (Périgueux)


Madame Marie-Laurence BRUS (Périgueux)


 


Membre suppléant :


 


Monsieur Luc BERARD (Libourne)


 


 


 


*       *


*


 


PROCEDURE


 


Par acte en date du 29 août 2019 dénommé « acte de saisine du Conseil de Discipline des Avocats du ressort de la Cour d’Appel de Bordeaux », Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats a saisi ledit Conseil de Discipline de faits qu’il impute à X dans les termes suivants :


 


« Le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats au Barreau a l'honneur de porter à la connaissance de Messieurs et Mesdames les Président et Membres du Conseil de Discipline les éléments suivants concernant X. 


 


Par courrier du 30 juillet 2019, Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de Bordeaux informait Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats d'un courrier dans les termes suivants : 


« Vous trouverez sous ce pli copie d'un arrêt de la 6ème chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bordeaux, condamnant X à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 10 000 € d'amende pour des faits de subordination de témoin, ainsi que l'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation rejetant son pourvoi. 


Je vous prie de bien vouloir m'indiquer si vous envisagez d'engager des poursuites disciplinaires à l'encontre de X ». 


Il était joint à ce courrier un arrêt de la Cour de Cassation rejetant le pourvoi en cassation formé par X et un arrêt de la Cour d'Appel de Bordeaux dont le dispositif était en page 15 dudit arrêt : 


« LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement à l'encontre du prévenu X et à l'égard de la partie civile ; 


déclare recevables les appels,  


Sur l'action publique,  


- confirme le jugement déféré en ce qu'il a relaxé X du fait de menace de mort avec ordre de remplir une condition, 


- confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré coupable X de subornation de témoin, dans les termes de la prévention, 


- confirme les peines principales prononcées à l'encontre de X : un an d'emprisonnement avec sursis et une amende de 10.000 €, 


 


- dit n'y avoir lieu au prononcé d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle d'avocat, peine complémentaire non applicable,  


constate que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal a pu être donné au prévenu présent lors du prononcé de l'arrêt, 


 


Sur l'action civile.  


confirme le jugement dont appel en ses dispositions ayant condamné X à payer à ………. la somme de 5.000 € au titre de préjudice moral, avec exécution provisoire, 


condamne X à payer à ……… la somme globale de 2.000 € sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, 


déboute ………… du surplus de ses demandes ». 


 


Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 183 du décret du 27 novembre 1991 : « Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse, même se rapportant à des faits extraprofessionnels, expose l'avocat qui en est l'auteur aux sanctions disciplinaires énumérées à l'article 184 ».


 


Les faits jugés par la Cour d'Appel de Bordeaux et la condamnation prononcée par la Cour d'Appel de Bordeaux, confirmée par la Cour de Cassation, constituent manifestement un manquement grave aux principes de dignité, conscience, indépendance, probité et humanité dans le respect des termes de son mandat et un non-respect dans l’exercice de la profession des principes d'honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie et doit faire preuve à l'égard de ses clients de compétence, dévouement, diligence et prudence. 


 


Attendu que l’avocat doit respecter les lois et les règlements.


Il résulte de ce qui précède que le Bâtonnier de l'Ordre est fondé à saisir le Conseil de Discipline considérant que ces faits constituent des manquements graves caractérisés aux obligations de l'avocat rappelées ci-dessus. 


La méconnaissance d'un seul de ces principes, règles et devoirs, constitue en application de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991 une faute pouvant entrainer une sanction disciplinaire. 


En conséquence et en application de l'article 188 du décret numéro 91-1197 du 27 novembre 1991,


 


Le Bâtonnier soussigné a l'honneur de saisir le Conseil de Discipline des Avocats du ressort de la Cour d'Appel de Bordeaux des faits analysés ci-dessus et dont il estime qu'ils sont susceptibles de recevoir la qualification des sanctions prévues aux articles 183 et 184 dudit décret ».


 


 


Le Conseil de l’Ordre a, suivant délibération du 17 septembre 2019, désigné ……………. pour établir le rapport prévu par la procédure disciplinaire.


 


X a été entendu le 25 novembre 2019. Le rapport a été établi le 25 novembre 2019, contresigné par X et les rapporteurs et a été régulièrement transmis au Conseil de Discipline.


 


Par citation au ministère de ….., huissier de justice à Bordeaux, en date en date du 8 janvier 2020, le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats a fait citer X, avocat audit Barreau, devant le Conseil de Discipline des Barreaux du ressort de la Cour d’Appel de Bordeaux à l’audience du 27 février 2020.


 


L’avocat dont il a fait choix, Maître Y, a communiqué le jour de l’audience des pièces selon bordereau.


 


Le 27 février 2020 à 17 heures l’audience s’est ouverte sous la présidence du Bâtonnier DUCASSE avec la composition mentionnée en tête des présentes.


 


La parole a été donnée à X qui n’a pas fait de demande de huis-clos. L’audience s’est donc tenue publiquement.


 


Préalablement à la lecture de l’acte de saisine, X a indiqué au Conseil avoir démissionné du Barreau en date du 31 décembre 2019 après liquidation de ses droits à pension et, sur question, a indiqué ne pas avoir fait de demande d’honorariat.


 


Le président a donné lecture de l’acte de saisine du 29 août 2019.


 


La parole a été donnée à X lequel a entendu rappeler les conditions dans lesquelles l’information judiciaire avait été ouverte à son encontre.


 


X a reconnu avoir fait une « bêtise dans un contexte de connaissance des parties ».


 


Il a fait état de la lourdeur de la procédure pénale engagée à son encontre pour ce qui reste, selon ses termes « une démarche idiote que j’ai faite ».


 


La parole a ensuite été donnée à Monsieur le Bâtonnier, organe de poursuites, lequel a rappelé que l’initiative de ce dossier était une transmission par le Parquet Général d’une décision pénale aujourd’hui définitive en vue d’engager des poursuites disciplinaires en application de l’article 183 du décret.


 


En l’espèce, il s’agissait de faits dans le cadre de l’exercice de la profession d’avocat donc d’une application, pour les sanctions, de l’article 184 du décret.


 


Le Bâtonnier a appelé à l’équilibre, la confraternité, et la modération à la lecture d’une procédure subie extrêmement lourde ayant donné lieu à une sanction pénale assez lourde, rappelant que X avait eu une carrière sans tâches de 42 années sans mention disciplinaire.


 


Le Bâtonnier a rappelé que le prononcé d’une sanction était possible quand bien même l’avocat serait à la retraite et a sollicité une sanction d’avertissement.


 


La parole a été donnée au conseil de X lequel a rappelé l’application de l’article 22 du décret donnant compétence au Conseil de Discipline pour statuer à l’encontre d’un avocat démissionnaire non inscrit, soulevant cependant la question de l’objet de cette saisine et l’ineffectivité d’une sanction prévue par l’article 184 du décret, concluant à une saisine conforme mais dépourvue d’objet.


 


X a eu la parole en dernier.


 


L’audience a été levée par le Président et le Conseil s’est réuni pour délibérer.


 


 


* * *


 


 


Après avoir analysé les pièces du dossier et en avoir débattu, le Conseil a jugé que les faits dont il était saisi consistaient en des manquements graves en l’occurrence cinq visites au co-mis en examen de son client, ce malgré une interdiction d’entrer en contact entre les deux parties et malgré le refus des proches de ………… et l’hospitalisation même de ce dernier.


 


Le Conseil a jugé à la majorité l’application d’une interdiction d’exercice professionnel de deux années.


 


 


EN CONSEQUENCE, et après en avoir délibéré,


 


Le Conseil de Discipline du ressort des Barreaux de la Cour d’Appel de Bordeaux,


 


Décide y avoir lieu à prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de X à raison des faits qui ont motivé la poursuite et qui constituent une faute disciplinaire justifiant des sanctions prévues aux articles 183 et 184 du décret N° 91-1197 du 27 novembre 1991.


 


Prononce la sanction d’interdiction temporaire d’exercice professionnel de deux années.


 


Dit que le présent arrêté disciplinaire sera notifié à X, à Monsieur le Procureur Général près la Cour d’Appel de Bordeaux et à Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats.


 


 


Fait à Bordeaux, le 27 février 2020.


 


 


 


Manuel DUCASSE                                              Solène ROQUAIN-BARDET


Président                                                    Secrétaire