Décision du conseil de discipline
des Barreaux de la Cour d'Appel de Bordeaux
Audience du 22 mars 2018
Poursuites contre Maître X, Avocat au Barreau de …...
Ont siégé :
Président : Monsieur le Bâtonnier Manuel DUCASSE (Bordeaux)
Membres titulaires :
Madame Dominique BASTROT (Bordeaux)
Madame Solène ROQUAIN-BARDET (Bordeaux), secrétaire de séance.
Monsieur Dominique DELTHIL (Bordeaux)
Madame Jutta LAURICH (Bordeaux)
Monsieur Fabrice PASTOR-BRUNET (Bordeaux)
Monsieur Stéphane MILON (Bordeaux)
Madame Christine MORAND-LEONETTI (Charente)
Monsieur le Bâtonnier Jean-Michel CAMUS (Charente)
Monsieur le Bâtonnier Lionel BETHUNE DE MORO (Charente)
Madame Danielle PIPAT DE MENDITTE (Périgueux)
Monsieur Hervé BENICHOU (Périgueux)
Monsieur Pierre DANIEL-LAMAZIERE (Bergerac)
Madame Elodie FOURMON-LECLERCQ (Libourne)
Membre suppléant :
Madame Corinne BORDAS (Bergerac)
* * *
1 – La procédure
Par citation délivrée à la personne de l’intéressé en date du 28 novembre 2016, le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats au Barreau de ….. a fait citer Monsieur X devant le Conseil de Discipline des Barreaux du ressort de la Cour d’Appel de Bordeaux pour voir statuer sur les faits suivants qu’il lui impute :
« Travail dissimulé à …… à l’égard de :
Non-paiement des Salaires :
Absence de fiche de раіе :
Faits prévus et réprimés par les articles :
- L.8221-1 et suivants du Code du travail ;
- 3 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971,
- 183 et 184 du Décret du 27 novembre 1991,
- 1 et 3 du Décret du 12 juillet 2005,
- 1.3 du Règlement Intérieur National de la Profession d'Avocat
Harcèlement moral à …… à l’égard de :
Faits prévus et réprimés par les articles :
- 222-33-2 du Code pénal
- L. 1152-1 du Code du travail
- 3 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971
- 183 et 184 du Décret du 27 novembre 1991
- 1 et 3 du Décret du 12 juillet 2005
- 1.3 du Règlement Intérieur National de la Profession d'Avocat
Manquement à l'égard de la clientèle à ……… 2 janvier 2013 à mars 2016 à l'égard de Messieurs …………….., concernant :
Faits prévus et réprimés par les articles :
- 313-1 et suivants du Code pénal
- 314-1 et suivants du Code pénal
- 3 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971,
- 183 et 184 du Décret du 27 novembre 1991,
- 1 et 3 du Décret du 12 juillet 2005,
- 1.3 du Règlement Intérieur National de la Profession d'Avocat ».
A la première audience fixée au 15 décembre 2016, Monsieur X, sous la représentation de son avocat Monsieur le Bâtonnier Edouard MARTIAL, a sollicité le renvoi du dossier à raison d’une indisponibilité professionnelle.
La demande a été accueillie et l’affaire renvoyée à l’audience du 23 février 2017.
Deux jours avant l’audience, soit le 21 février, Monsieur X a fait déposer au Conseil de Discipline une importante communication de pièces, divisée en dix-neuf dossiers, sans établissement de bordereau, en précisant qu’ils contenaient ses observations écrites en réponse aux griefs articulés à son encontre par le Bâtonnier.
Le Bâtonnier de …… a pris en date du 22 février 2017 des conclusions tendant au rejet des pièces des débats en raison du caractère tardif de leur communication.
A l’audience du 23 février 2017, le Conseil de Discipline, après avoir recueilli les observations de Monsieur X, assisté de son avocat Maître MARTIAL, et du Bâtonnier de ……., a décidé qu’en raison de la gravité des poursuites engagées, il n’était pas possible d’écarter l’abondante communication de Maître X mais que celle-ci nécessitait une reprise complète du dossier et donc un supplément d’information.
Par décision en date du 23 février 2017, il a donc :
Sur l’indication que le rapport serait prochainement déposé, Maître X, son avocat ainsi que Monsieur le Bâtonnier du Barreau de …… ont été convoqués à une audience du Conseil de Discipline pour le 22 mars 2018.
Sur retour du pli recommandé adressé à Maître X avec la mention « pli avisé et non réclamé », la convocation a été réitérée à son égard par acte au ministère de Madame Annick MASSON, huissier de justice, en date du 2 mars 2018.
Par lettre du 19 janvier 2018, reçue le 22 janvier, Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats au Barreau de ….. a fait déposer au dossier les copies d’un jugement du tribunal de grande instance d’Agen rendu en date du 18 janvier 2018 prononçant la liquidation judiciaire de Monsieur X ainsi qu’un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Bordeaux en matière correctionnelle en date du 24 octobre 2017 entrant en voie de condamnation pénale à l’encontre de Monsieur X.
Par lettre en date du 1er mars 2018, Maître Edouard MARTIAL faisait connaître au Président du Conseil de Discipline que « il ne serait pas le conseil de Monsieur X devant la commission de discipline qui se tient le 22 mars prochain ».
Le matin de l’audience du 22 mars, Maître Pierre FONROUGE, avocat au Barreau de Bordeaux, a indiqué au Président qu’il était chargé par Monsieur X de faire part de l’indisposition de celui-ci et de ce que, ne pouvant être présent à l’audience du 22 mars, il en sollicitait le report.
Le 22 mars 2018, l’audience s’est ouverte sous la présidence du Bâtonnier DUCASSE avec la composition mentionnée en tête des présentes.
La parole a été immédiatement donnée à Maître FONROUGE pour la présentation de la demande de renvoi de Monsieur X.
Puis la parole a été donnée à Monsieur le Bâtonnier de …… pour présenter ses observations sur la demande de renvoi dont il a sollicité le rejet.
La parole a de nouveau été donnée à Maître FONROUGE qui a repris ses précédentes observations.
Après que Maître FONROUGE et le Bâtonnier de ……. se soient retirés, le Conseil de Discipline a délibéré sur la demande de renvoi qu’il a rejetée à l’unanimité.
L’audience a été ensuite reprise en la présence de Monsieur le Bâtonnier de ……. après que Maître FONROUGE ait indiqué ne pas souhaiter participer à la suite des débats.
Le président a donné lecture de la citation du Bâtonnier telle que relatée en tête des présentes.
Le président a ensuite donné la parole à Maître PASTOR-BRUNET et Maître MORAND-LEONETTI pour la lecture de leur rapport qui, à l’analyse les pièces fournies par Maître X, a porté sur l’ensemble des chefs de la poursuite.
La parole a été ensuite donnée par le président à Monsieur le Bâtonnier du Barreau de ……. pour ses observations, lequel a conclu qu’au vu des indications des rapporteurs du Conseil de Discipline, les faits lui paraissaient établis à l’exception du grief « fonds destinés au client non restitués ».
Il a conclu à la demande d’une sanction d’interdiction temporaire d’exercice professionnel.
Monsieur X étant absent et non représenté par avocat, l’audience publique a pris fin.
Monsieur le Bâtonnier de ………. et l’auditrice de justice en stage au cabinet de Maître DELTHIL, membre du Conseil qui avait assisté à la première partie des débats, s’étant retirés, le Conseil a délibéré.
2 – Sur le bien-fondé des poursuites
Le Conseil a analysé les éléments de la poursuite en se fondant sur le rapport qui lui avait été fait par Maîtres PASTOR-BRUNET et MORAND-LEONETTI et qui ont répondu aux questions des conseillers.
Il est apparu tout d’abord que les faits de travail dissimulé à l’égard de Mesdames , non contestés par Monsieur X sur l’interrogation des rapporteurs, étaient établis.
Il en est de même pour le non-paiement des salaires à Mesdames et pour l’absence de fiches de paie à l’égard de Mesdames .
S’agissant des faits de harcèlement moral reprochés à Monsieur X à l’égard de Mesdames , le Conseil a relevé que les faits étaient contestés par Monsieur X et que ce dernier avait déclaré avoir formulé un pourvoi en cassation contre l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Bordeaux en date du 24 octobre 2017 qui a confirmé un certain nombre de condamnations prononcées de ce chef par jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux en date du 30 juin 2016 et a infirmé ledit jugement « en ce qui concerne la relaxe des chefs de harcèlement moral de ».
Il n’a pas été justifié dudit pourvoi, mais sans s’attacher à la qualification pénale objet de cet éventuel recours, le Conseil de Discipline s’est attaché à la relation des faits contenus dans l’arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux ayant ainsi relevé des propos à l’encontre de Madame tels que « conne, salope, bonne à rien, enculée » après que celle-ci eut alerté le Bâtonnier à la suite du non paiement des salaires.
A l’égard de Mesdames , ce sont les propos « idiote, incapable, pas de cerveau, va te faire enculer », « tu ferais mieux de faire coiffeuse ».
Les propos insultants, la violence verbale « créant un ambiance de travail très anxiogène », ont eu lieu devant des témoins qui ont confirmé les faits devant la Cour et notamment Madame , salariée, Maître , avocat stagiaire, qui apparaissent crédibles.
A supposer que les faits ainsi décrits ne caractérisent pas formellement le harcèlement moral tel qu’incriminé pénalement, ils constituent pour le Conseil à l’évidence de graves manquements aux principes essentiels que doit respecter l’avocat dans l’exercice de sa profession tels que décrits par le décret du 12 juillet 2005 et spécialement aux principes de dignité, d’honneur, de délicatesse, de modération précisés à l’article 3 dudit décret.
Les faits sont donc justiciables d’une sanction disciplinaire au sens de l’article 183 du décret du 27 novembre 1991.
S’agissant des manquements à l’égard de la clientèle, sur le rapport de ses membres et après en avoir délibéré, le Conseil a écarté les griefs concernant les clients .
De même, il a considéré que le grief « fonds destinés au client non restitués » n’était pas caractérisé.
En revanche, dans tous les autres cas, les dossiers remis par Maître X au Conseil de Discipline et examinés par les rapporteurs MORAND-LEONETTI et PASTOR-BRUNET ont malheureusement amplement confirmé :
Là encore, il s’agit d’agissements sanctionnés sur le fondement de l’article 183 du décret du 27 novembre 1991.
3 – Sur la sanction
Le Conseil a tout d’abord délibéré sur le principe de la sanction disciplinaire qui a été adopté à l’unanimité.
Sur la nature de la sanction, le Conseil a considéré à l’unanimité que l’ensemble des faits retenus étaient justiciables d’une interdiction temporaire d’exercice professionnel.
Quant à la durée de l’interruption, le Conseil a décidé à la majorité qu’elle devait être fixée à deux années, dont une année assortie du sursis.
EN CONSEQUENCE,
Après en avoir délibéré, le Conseil de Discipline des Barreaux du ressort de la Cour d’Appel de Bordeaux,
Décide que les faits retenus à l’encontre de Monsieur X, avocat au Barreau de ……………., tels que décrits dans les motifs qui précèdent, constituent des manquements aux principes essentiels régissant la profession d’avocat tels que définis à l’article 5 du décret du 12 juillet 2005 relatifs aux règles de déontologie de la profession d’avocat.
Sur le fondement des articles 183 et 184 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, prononce à l’encontre de Monsieur X la sanction disciplinaire de l’interdiction temporaire d’exercice de la profession d’avocat pour une durée de trois années dont une année assortie du sursis.
Dit que le présent arrêté disciplinaire sera notifié à Maître X, à Madame la Procureure Générale près la Cour d’Appel de Bordeaux et à Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de ……...
Fait à Bordeaux le 22 mars 2018.
Manuel DUCASSE Solène ROQUAIN-BARDET
Président Secrétaire
© Copyright : dxcommunication.fr