DECISION DU CONSEIL DE DISCIPLINE DES BARREAUX DE LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

Date: 22/09/2016 | Nature: Interdiction temporaire d’exercice



Décision du conseil de discipline
des Barreaux de la Cour d'Appel de Bordeaux

Poursuites contre Maître X, Avocat au Barreau de …..

Ont siégé :

- Monsieur le Bâtonnier Olivier MONROUX, Président (Libourne)
- Madame Dominique BASTROT (Bordeaux)
- Monsieur Stéphane GUITARD (Bordeaux)
- Madame Marie-Laure BOST (Bordeaux)
- Monsieur Fabrice PASTOR-BRUNET (Bordeaux)
- Monsieur Stéphane MILON (Bordeaux)
- Madame Sylvie de LESTRANGE (Bordeaux)
- Monsieur Emmanuel JOLY (Bordeaux)
- Madame Christine MORAND-LEONETTI (Charente)
- Monsieur Jean-Michel CAMUS (Charente)
- Monsieur David LARRAT (Bergerac)
- Madame Frédérique POHU-PANIER (Périgueux)
- Monsieur Alexis GAUCHER-PIOLA (Libourne)

- Monsieur Stéphane MILON assure le secrétariat de l'audience.

Maître X a été cité à comparaître à l'audience du Conseil de Discipline des Barreaux de la Cour d'Appel de Bordeaux du 23 juin 2016 à 17 heures, suivant acte du 31 mai 2016 pris à l'initiative de Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de …..

Cette citation faisait suite à l'ouverture d'une procédure disciplinaire diligentée suivant acte du 25 novembre 2015, notifiée le même jour à Maître X, celle-ci de la même autorité de poursuites.

La citation du 31 mai 2016 articulait à l'encontre de Maître X les reproches suivants :

    absence de domicile et d'adresse professionnelle,
    absence de présentation au Bâtonnier et refus de répondre au courrier du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de …..,
    non-paiement des cotisations de la Caisse Nationale des Barreaux Français,
    non-paiement des cotisations de la Caisse Nationale des Barreaux,
    non-paiement des cotisations URSSAF,
    non-paiement des cotisations de l'Ordre des Avocats de ….. et de ….. et des assurances,
    violences volontaires sur un officier ministériel, Maître C, Huissier justice à …., le 23 mai 2013.

Suivant décision en date du 23 juin 2016, le Conseil Régional de Discipline, considérant que le délai écoulé entre la connaissance effective de la convocation contenant les faits reprochés et la date d'audience était trop bref pour permettre à Maître X d'assurer ou de faire assurer sa défense, a ordonné le renvoi de l'instance disciplinaire à l'audience du 22 septembre 2016 à 17 heures.

Cette décision de renvoi a été notifiée à Maître X à son adresse professionnelle déclarée ………………….., par lettre recommandée AR en date du 28 juin 2016 retirée par l'intéressé le 2 juillet 2016.

Par exploit d'huissier en date du 15 juillet 2016, signifié suivant les modalités de l'article 659, Maître X a fait l'objet d'une nouvelle citation à comparaître pour l'audience du 22 septembre 2016 à 17 heures.

Cette citation du 15 juillet de 2016 dont le Conseil est saisi, articule à l'encontre de Maître X les reproches suivants :

« 1- Violation des obligations pécuniaires, fiscales et sociales de l'avocat :

* Non-paiement de la cotisation d'assurance responsabilité civile professionnelle (article 27 de la Loi du 31/12/1971),

* Non-paiement des cotisations dues à la CNBF (article 105 du Décret du 27/11/1991).

* Non justification du paiement des cotisations URSSAF et RSI (manquement aux règles de probité).

2- Absence de domiciliation professionnelle (article 165 du Décret du 27 Novembre 1991 et 15 du RIN).

3- Manquements aux devoirs envers le Conseil de l'Ordre et le Bâtonnier :

* Refus de s'acquitter des visites de courtoisie

* Non réponses aux courriers du Bâtonnier

Il résulte de ce qui précède que le Bâtonnier de l'Ordre est fondé à saisir le Conseil de Discipline considérant que le non-paiement des cotisations à l'Ordre des Avocats, au Conseil National des Barreaux, à la Caisse Nationale des Barreaux Français, l'absence du domicile et de l'adresse professionnels, constituent indiscutablement des manquements caractérisés aux obligations de Maître X, visées à l'article 183 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 qui énonce : « Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse même se rapportant à des faits extra professionnels exposent l'avocat qui en est l'auteur aux sanctions disciplinaires énumérées à l'article 184. »

En conséquence, en application de l'article 188 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, le Bâtonnier soussigné a l'honneur de saisir le Conseil de Discipline des Avocats du ressort de la Cour d'Appel de Bordeaux des faits analysés ci-dessus dont il estime qu'ils sont susceptibles de recevoir la qualification et de justifier des sanctions prévues aux articles 183 et 184 dudit décret.

Maître X a été convoqué par acte d'Huissier, par lettre recommandée avec accusé de réception, par courriel (@) et par télécopie (05…….) en date du 16 Mars 2016, par Maître P et Maître A, rapporteurs, pour l'entendre le lundi 4 Avril 2016.

Maître X ne s'est pas présenté à la convocation le 4 Avril 2016, le rapport de Maître P et Maître A a été déposé le 12 Avril 2016,

Par décision du 23 Juin 2016, le Conseil de Discipline des Barreaux de la Cour d'Appel de Bordeaux a ordonné le renvoi de l'instance disciplinaire concernant Maître X à l’audience du 22 Septembre 2016 à 17 heures à la maison de l'avocat, 1 rue de Cursol 33000 Bordeaux (1° étage).

Le Conseil de Discipline des Barreaux de la Cour d'Appel de Bordeaux a dit que le délai pour voir statuer sur ce dossier était prorogé de quatre mois à compter du 25 Juillet 2016.

Conformément aux dispositions de l'article 192 alinéa 3 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, il est rappelé que dès lors que l'avocat cité aurait fait l'objet antérieurement d'une sanction disciplinaire assortie du sursis, celui-ci pourrait faire l'objet d'une révocation dans le cadre de la décision à intervenir ».

À l'audience, l'avocat poursuivi, Maître X, ne s'est pas présenté.

Monsieur le Président du Conseil de Discipline a été entendu en son rapport.

Madame le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de …… a été entendue en ses explications, et a sollicité la radiation de Maître X, au regard de la gravité des faits reprochés.

Le Conseil de Discipline a ensuite délibéré.

SUR LA PROCEDURE :

Le Conseil Régional de Discipline observe que les faits de violences volontaires visés dans l'acte de saisine du 25 novembre 2015 ainsi que dans la citation du 31 mai 2015 ne sont pas repris dans la citation du 15 juillet 2016 dont il est à ce jour saisi.

Il ne sera ainsi statué dans le cadre de la présente décision que sur les faits visés dans la citation du 15 juillet 2016.

SUR LE FOND :

A / Sur les faits reprochés

1) Sur l'absence de domicile professionnel :

Suivant lettre en date du 5 décembre 2014 portant demande d'inscription au Barreau de …., Maître X a déclaré au Bâtonnier de …… qu'à compter de son inscription, son adresse professionnelle serait située ……………

Or, il s'avère qu'à l'adresse indiquée, Maître X ne dispose d'aucun domicile professionnel.

En témoigne, le fait avéré qu’aucun acte relatif à la présente procédure disciplinaire n'a pu être signifié à Maître X à l'adresse déclarée en dehors des modalités prévues à l'article 659 du Code de procédure civile.

Ainsi, Maître E, huissier de justice en charge de la signification de la citation à comparaître de Maître X devant le Conseil de discipline pour l'audience du 22 septembre 2016, indique dans son procès-verbal de recherches infructueuses dressé en vertu de l'article 659 du Code de procédure civile :

"Je me suis présenté à l'adresse du destinataire telle qu’elle figure sur le projet d'acte de procédure objet de la présente signification et j'ai constaté qu'à ce jour et à cette adresse, aucune personne ne répondait à l'identification du destinataire de l'acte, ni à son domicile ou à sa résidence, le destinataire semblant avoir quitté l'adresse indiquée sur le projet d'acte sans laisser d'indication sur sa nouvelle adresse. En conséquence, il a été procédé aux diligences suivantes pour rechercher le destinataire de l'acte :

Je me suis transporté au domicile de Monsieur X, où, là étant, il m'a été indiqué que le destinataire était parti sans laisser d'adresse ; je n'ai pas pu obtenir d'autres informations pour le localiser.

Nous nous sommes transportés au Cabinet situé …………….

Nous avons noté l'absence de plaque nominative au nom de Monsieur X sur la façade de l'immeuble.

Le Barreau des Avocats, interrogé, n'a pu nous fournir de nouvelle adresse, ni les Maires de ….. et de ......

Mes recherches et perquisitions tant auprès des voisins et commerçants qu’auprès du commissariat ne m'ont pas permis d'apprendre son adresse actuelle ainsi que son lieu de travail".

Il sera précisé que Maître E avait également dû recourir aux modalités prévues à l'article 659 du Code de Procédure Civile pour signifier la lettre du Bâtonnier en date du 9 octobre 2015, convoquant Maître X à se présenter devant le Conseil de l'Ordre de ………….. en son audience du 5 novembre 2015 pour être entendu sur la procédure de d’omission envisagée.

Le procès-verbal de recherches infructueuses dressé par la SCP E mentionnait :

"Nous nous sommes transportés au cabinet situé ……………..

Nous avons noté l'absence de plaque nominative au nom de Monsieur X, sur la façade de l'immeuble.

À l'intérieur du hall, nous avons noté le nom de Madame G, sur une boîte aux lettres, correspondant à un local situé au troisième étage.

Là étant, nous avons rencontré Madame G, avocat, laquelle nous a indiqué ne plus héberger Monsieur X à son cabinet, nous a précisé que ce dernier n'habitait plus et ne résidait plus en ……., et qu'elle ne connaissait pas l'adresse de ce dernier qui serait reparti sur la région toulousaine".

Il résulte ainsi des éléments ci-dessus exposés que Maître X ne remplit pas son obligation de domicile professionnel, ce manquement caractérisé constitue une infraction disciplinaire au sens de l'article 165 du décret du 27 novembre 1991.

2) Sur l’absence de présentation au Bâtonnier :

Le Conseil de discipline relève que Maître X n'a jamais eu la courtoisie ni la délicatesse de se présenter à son Bâtonnier ainsi qu'aux membres du Conseil de l'Ordre du Barreau postérieurement à son inscription en date du 15 février 2015.

Cette obligation a été rappelée à Maître X par lettres du Bâtonnier en date des 30 avril et 30 juillet 2016.

A la date du rapport des rapporteurs désignés par le Conseil de l'Ordre soit le 12 avril 2016, Maître X n'avait toujours pas déféré à son obligation de présentation.

Le Conseil de discipline considère que ce défaut de présentation constitue un manquement caractérisé aux règles élémentaires de délicatesse telles que visées à l'article 183 du décret numéro 91 - 1197 du 27 novembre 1991.

3) Sur le défaut de réponse aux lettres du Bâtonnier :

L'acte de saisine ainsi que le rapport disciplinaire établi par les rapporteurs du Conseil de l'Ordre de Périgueux font mention des nombreuses lettres que le Bâtonnier a adressées à Maître X et auxquelles ce dernier n’a apporté aucune réponse alors même que celui-ci était sollicité pour fournir des explications sur le non-paiement de ses cotisations professionnelles.

Cette absence de réponse aux interrogations répétées du Bâtonnier constitue en l’espèce une infraction disciplinaire caractérisée au sens de l'article 183 du décret du 27 novembre 1991.

4) Sur le non-paiement des cotisations CNBF, URSSAF, CNB, et d’assurances professionnelles ainsi que sur absence de déclaration RSI:

Le Conseil régional de Discipline observe, au regard des pièces du dossier, que Maître X reste redevable de sommes importantes au titre de ses cotisations professionnelles.

Ainsi, par une lettre en date du 15 février 2016 à laquelle était joint un tableau récapitulatif, la Caisse Nationale des Barreaux Français (CNBF) indique à l'Ordre des Avocats du Barreau de ………… que Maître X reste redevable à son égard de la somme de 47 459,74 € au titre des cotisations vieillesse, invalidité décès et contributions équivalentes.

Par une lettre en date du 9 février 2016, Maître F, conseil de l'URSSAF en charge d'une procédure de recouvrement à l'encontre de Maître X, a écrit à l'Ordre des Avocats du Barreau de ..... pour indiquer que ce dernier reste redevable pour la période du quatrième trimestre 2013 au troisième trimestre 2015 inclus de la somme de 9 588,85 € au titre de ses cotisations.

Par lettre du 12 août 2015, Madame le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de ……….. informe Madame le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de …………. de ce que Maître X reste devoir au titre de l'assurance responsabilité civile professionnelle la somme de 690 €.

Le Conseil de Discipline relève que Maître X n'a rapporté, dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à son encontre, aucun élément permettant de justifier de ce que les sommes qui lui sont réclamées, ne seraient pas exigibles ou qu'il en aurait assuré le règlement.

En outre, le Conseil observe que Maître X n'a pas justifié non plus de sa situation vis-à-vis du RSI alors même qu'il lui avait été demandé de fournir une attestation prouvant qu'il était à jour de ses cotisations.

Le défaut de paiement par un avocat de ses cotisations professionnelles constitue une infraction disciplinaire au sens des dispositions de l'article 183 du 27 novembre 1991.

Au regard des éléments ci-dessus exposés, le Conseil de Discipline considère qu’en l’espèce cette infraction est caractérisée.

B / Sur la sanction :

Au regard des faits reprochés, le Conseil Régional de Discipline, à la majorité, décide de prononcer à l'encontre de Maître X comme peine disciplinaire une interdiction temporaire d'exercer pour une durée de six mois assortis du sursis.

PAR CES MOTIFS :

Le Conseil de Discipline des Barreaux du ressort de la Cour d'Appel de Bordeaux, statuant en premier ressort :

Déclare Maître X, avocat, coupable des infractions disciplinaires visées dans la citation du 15 juillet 2016 pour l'ensemble des faits visés,

En conséquence, prononce à son encontre une peine de suspension temporaire d'exercer pendant une durée de huit mois, assortie du sursis.

Fait à Bordeaux, le 22 septembre 2016.

Olivier MONROUX                                                       Stéphane MILON

Président                                                                            Secrétaire