DECISION DU CONSEIL DE DISCIPLINE DES BARREAUX DE LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX

Date: 28/04/2016 | Nature: Radiation



DECISION DU CONSEIL DE DISCIPLINE
DES BARREAUX DE LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX
DU 28 AVRIL 2016


POURSUITES CONTRE MAITRE X, AVOCAT AU BARREAU DE ..........

Ont siégé :
-          Président : Stéphane GUITARD (BORDEAUX), Vice-Président du Conseil de discipline
-          Avocats membres titulaires :


    Monsieur David LARRAT (BERGERAC)
    Madame Dominique BASTROT (BORDEAUX)
    Monsieur Fabrice PASTOR-BRUNET (BORDEAUX)
    Monsieur Stéphane MILON (BORDEAUX), Secrétaire du Conseil de discipline
    Monsieur le Bâtonnier Jean Michel CAMUS (CHARENTE)
    Madame Christine MORAND-LEONETTI (CHARENTE)
    Monsieur le Bâtonnier Lionel BETHUNE DE MORO  (CHARENTE)
    Mer le Bâtonnier Alexis GAUCHET PIOLA (LIBOURNE)
    Madame Danielle PIPAT- de MENDITTE (PERIGUEUX)
    Monsieur Frédéric MOUSTROU (PERIGUEUX)

Les rapporteurs sur l’instruction disciplinaire ont été …………………

Le Conseil de discipline, en début d’audience, a désigné comme secrétaire Maître Stéphane MILON

En présence de Madame la Bâtonnière ………...

Madame X est présente, assistée de Maître Y.

Le rapporteur du Conseil Régional de discipline sur le dossier de Madame X est Maître Stéphane GUITARD, Président.

Le Président a interrogé Maître X et son conseil sur la question de la publicité des débats.

Ceux-ci ont souhaité que l’audience se tienne à huis clos.

Le Conseil Régional de discipline, après en avoir délibéré, a décidé que l’audience se tendrait à huis clos, les portes de l’audience ont ainsi été fermées, aucun public n’assistant à l’audience, car il a été considéré que les débats pouvaient porter sur des sujets portant atteinte à l’intimité de la vie privée de Maître X.

Le Président a également ensuite demandé à Maître X si elle avait des observations à formuler sur la composition du Conseil de discipline et sur la régularité de la procédure.

Maître X et son avocat ont indiqué qu’ils n’avaient aucune observation à formuler sur la composition du Conseil Régional de discipline, ni sur la régularité de la procédure.

PROCEDURE


Maître X a été citée à comparaitre à l’audience du Conseil Régional de discipline des Barreaux de la Cour d'appel de .......... par citation délivrée le 8 avril 2016, pour voir statuer sur l’audience disciplinaire ouverte à son encontre le 28 avril.

Les faits qui motivent la poursuite sont visés dans la citation dont le Conseil est saisi.
 
PREMIER FAIT : Dossier P


Par courrier en date du 1er décembre 2015, Le Barreau de .......... était informé par l’Etude d’huissier ………., huissiers de justice à …….., de ce qu’ils étaient chargés par le dénommé Monsieur P de recouvrer des sommes dues par Madame X.

A cette correspondance était annexée une sommation de payer délivrée à l’égard de Madame X, mentionnant que par le jugement en date du 10 octobre 2013, le Conseil de Prud’hommes de .......... avait condamné Monsieur P à régler à Madame S une somme globale de 4 832 €.

Monsieur P avait adressé à son avocat un chèque du même montant, correspondant à la condamnation mise à sa charge, Madame X devant l’adresser à l’adversaire, Madame S.

Madame S n’a jamais reçu le règlement, ainsi que cela ressort d’un commandement de payer qu’elle a fait délivrer par la SCP …………, huissiers de justice à .........., à Monsieur P le 11 juin 2014.

Monsieur P s’est vu par ailleurs signifier un procès-verbal de saisie-attribution entre les mains du CREDIT AGRICOLE.

Il ressort de la sommation de payer, que Monsieur P a contacté Madame X, qui s’est engagée à lui rembourser les sommes qu’il avait réglées et qu’elle aurait effectué pour le moment un seul versement de 2 600 €.

Cela démontre que Madame X aura manqué de déposer la somme de de 4 832 € sur son compte CARPA qu’elle avait reçue par chèque de son client et dans tous les cas aura conservé le chèque de 4 832 € émis par lui en règlement d’une condamnation le concernant.

Madame X doit justifier de l’emploi de ce règlement effectué par chèque et notamment indiquer les raisons de l’absence de dépôt en CARPA.

Ce manquement est fait aux dispositions de :

L’article 53 alinéa 9 de la Loi du 31 décembre 1971 :

« Les conditions d'application de l'article 27 et, notamment, les conditions des garanties, les modalités du contrôle et les conditions dans lesquelles les avocats reçoivent des fonds, effets ou valeurs pour le compte de leurs clients, les déposent, sauf lorsqu'ils agissent en qualité de fiduciaire, dans une caisse créée obligatoirement à cette fin par chaque barreau ou en commun par plusieurs barreaux et en effectuent le règlement.»

L’article 229 du Décret du 27 novembre 1991 :

« Sous réserve de justifier d'un mandat spécial dans les cas où il est exigé, l'avocat procède aux règlements pécuniaires liés à son activité professionnelle, en observant les règles fixées par le présent décret et par le règlement intérieur du barreau. Ces règlements pécuniaires ne peuvent être que l'accessoire des actes juridiques ou judiciaires accomplis dans le cadre de son exercice professionnel. »

L’article 235-2 alinéa 1er du Décret du 27 novembre 1991 :

« Les avocats ne peuvent procéder aux règlements pécuniaires mentionnés au 9° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 précitée que par l'intermédiaire de la caisse prévue au même article.

L’article 240 du Décret du 27, novembre 1991. »
 
L’article 240 du Décret du 27 novembre 1991 :

« Les fonds, effets ou valeurs mentionnés à l'article 53-9° de la loi du 31 décembre 1971 précitée, reçus par les avocats, sont déposés à un compte ouvert au nom de la caisse des règlements pécuniaires des avocats dans les écritures d'une banque ou de la caisse des dépôts et consignations. »

Cette situation entraine pour son client, Monsieur P, qui s’était acquitté de sa dette entre ses mains, une situation particulièrement préjudiciable constituée par la délivrance d’un commandement de payer et un procès-verbal de saisie-attribution sur un compte bancaire lui appartenant de manière tout à fait injustifiée le concernant.

Le relevé de compte CARPA de Madame X ne fait mention d’aucun dépôt dans le dossier de Monsieur P.

Il apparait encore que Madame X n’a pas informé les administratrices de son Cabinet de la situation et n’a pas davantage réglé sa dette à Monsieur P, victime de ses agissements présumés inappropriés.

DEUXIEME FAIT : Dossier B

Les administratrices du Cabinet désignées pour administrer le Cabinet de Maître X en raison de la mesure de suspension provisoire décidée par le Conseil de l’Ordre de .......... le 14 avril 2015, renouvelée à compter du 14 août 2015, les décisions lui ayant été régulièrement notifiées et étant devenues définitives, relèvent que Madame X a reçu, dans ce dossier de la SCP ………….. huissiers de justice à .........., trois règlements par lettre-chèques (1 500,00 € le 15 juillet 2014, 500,00 € le 14 août 2014, 344,86 € le 19 septembre 2014).

Ces règlements correspondent à des sommes obtenues pour le compte de sa cliente n’apparaissent pas sur son compte CARPA.

Au vue de l’ancienneté desdits règlements, il apparait que la situation inappropriée n’a jamais été régularisée.

Elle constitue un manquement aux règles professionnelles en particulier :

L’article 53 alinéa 9 de la Loi du 31 décembre 1971 :

« Les conditions d'application de l'article 27 et, notamment, les conditions des garanties, les modalités du contrôle et les conditions dans lesquelles les avocats reçoivent des fonds, effets ou valeurs pour le compte de leurs clients, les déposent, sauf lorsqu'ils agissent en qualité de fiduciaire, dans une caisse créée obligatoirement à cette fin par chaque barreau ou en commun par plusieurs barreaux et en effectuent le règlement.»

L’article 229 du Décret du 27 novembre 1991 :

« Sous réserve de justifier d'un mandat spécial dans les cas où il est exigé, l'avocat procède aux règlements pécuniaires liés à son activité professionnelle, en observant les règles fixées par le présent décret et par le règlement intérieur du barreau. Ces règlements pécuniaires ne peuvent être que l'accessoire des actes juridiques ou judiciaires accomplis dans le cadre de son exercice professionnel. »

L’article 235-2 alinéa 1er du Décret du 27 novembre 1991 :

« Les avocats ne peuvent procéder aux règlements pécuniaires mentionnés au 9° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 précitée que par l'intermédiaire de la caisse prévue au même article.

L’article 240 du Décret du 27, novembre 1991. »

L’article 240 du Décret du 27 novembre 1991 :

« Les fonds, effets ou valeurs mentionnés à l'article 53-9° de la loi du 31 décembre 1971 précitée, reçus par les avocats, sont déposés à un compte ouvert au nom de la caisse des règlements pécuniaires des avocats dans les écritures d'une banque ou de la caisse des dépôts et consignations. »

TROISIEME FAIT : Dossier M

Par courrier en date du 6 octobre 2015, l’Etude d’huissier ………….. à ………….. a adressé au Bâtonnier l’Ordre des Avocats de .......... la copie d’une lettre-chèque débité de son compte le 22 avril 2015, adressé à Madame X le 16 avril 2015 et représentant un total de 1 891,03 €.

Cet envoi correspondant à une réponse à interrogation posée par le Bâtonnier de .......... audit huissier le 30 juillet 2015, en raison d’une réclamation formulée par Madame M qui avait fait le choix de X comme avocat.

Le relevé CARPA ne porte aucune mention de ce dossier et pas davantage d’une quelconque consignation conforme aux obligations professionnelles de l’avocat.

Madame X aura manqué à ses obligations en ne déposant pas ce chèque sur le compte CARPA sur le même fondement juridique que visé supra dans les autres dossiers.

Il convient d’observer que le règlement effectué par Maître ………… a été fait à un moment où Madame X faisait déjà l’objet d’une mesure de suspension provisoire, ladite mesure ayant été ordonnée par décision du Conseil de l’Ordre du Barreau de .......... le 14 avril 2015, décision qui a été portée à sa connaissance après le délibéré de l’audience, à laquelle elle a assisté.

Ce dossier numéroté 9294, n’apparait pas dans le listing des dossiers suivis par les administratrices, pas plus que dans les 49 dossiers non présents au Cabinet (Voir rapport intermédiaire des administratrices au Bâtonnier de l’Ordre le 14 octobre 2015).

Il en va de même des dossiers précédents.

QUATRIEME FAIT : Dossier A

Les administratrices ont découvert l’existence de dossiers de manière fortuite et auront à cette occasion informé le Bâtonnier que Madame X avait, le 15 septembre 2015 et alors même qu’elle était suspendue à titre provisoire, pris contact, sans les en informer, avec les avocats du Cabinet ……….. du Barreau de PARIS.

Madame X leur a en effet fait part de son étonnement de ne pas avoir été rendue destinataire de leurs pièces et écritures dans le dossier concerné.

Le Cabinet ………. a indiqué aux administratrices dans un courrier daté du 22 septembre 2015, que suite à un entretien téléphonique avec Maître X, cette dernière leur avait adressé ses pièces et écritures, accompagnées, d’une lettre sur papier blanc, non datée et en soutenant qu’elle lui aurait remis en mains propres ses pièces et écritures le jour de l’audience de conciliation, ce qui est inexact.

Cette correspondance démontre que malgré la mesure de suspension dont elle faisait l’objet, Madame X a, sans aviser les administratrices, ni de l’existence du dossier, ni de ses démarches, agi comme la valable contradictrice du Cabinet ……… ayant cependant pris soin d’adresser ses courriers sur un papier dénué de toute entête d’avocat mais en maintenant cette qualité.

Ce faisant, Maître X peut être considérée comme avoir exercé de manière illégale la profession d’avocat et de surcroit sans être assurée au titre de sa responsabilité civile professionnelle, cette garantie ne couvrant que les actes et les diligences effectués dans le cadre de l’administration de son Cabinet et par les administratrices valablement désignées.

Le défaut de respect de la décision de suspension provisoire et le fait d’avoir exercé la profession d’avocat sans y être autorisée et de surcroît sans être assurée, constitue un manquement grave aux obligations professionnelles.

L’article 53 alinéa 9 de la Loi du 31 décembre 1971 :

« Les conditions d'application de l'article 27 et, notamment, les conditions des garanties, les modalités du contrôle et les conditions dans lesquelles les avocats reçoivent des fonds, effets ou valeurs pour le compte de leurs clients, les déposent, sauf lorsqu'ils agissent en qualité de fiduciaire, dans une caisse créée obligatoirement à cette fin par chaque barreau ou en commun par plusieurs barreaux et en effectuent le règlement.»

L’article 229 du Décret du 27 novembre 1991 :

« Sous réserve de justifier d'un mandat spécial dans les cas où il est exigé, l'avocat procède aux règlements pécuniaires liés à son activité professionnelle, en observant les règles fixées par le présent décret et par le règlement intérieur du barreau. Ces règlements pécuniaires ne peuvent être que l'accessoire des actes juridiques ou judiciaires accomplis dans le cadre de son exercice professionnel. »

L’article 235-2 alinéa 1er du Décret du 27 novembre 1991 :

« Les avocats ne peuvent procéder aux règlements pécuniaires mentionnés au 9° de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 précitée que par l'intermédiaire de la caisse prévue au même article.

L’article 240 du Décret du 27, novembre 1991. »

L’article 240 du Décret du 27 novembre 1991 :

« Les fonds, effets ou valeurs mentionnés à l'article 53-9° de la loi du 31 décembre 1971 précitée, reçus par les avocats, sont déposés à un compte ouvert au nom de la caisse des règlements pécuniaires des avocats dans les écritures d'une banque ou de la caisse des dépôts et consignations. »

Ainsi, le Bâtonnier de l’Ordre se dit fondé à saisir le Conseil de discipline considérant que les faits rappelés ci-dessus constituent des manquements graves et caractérisés aux obligations de probité, d’honneur et de délicatesse, des contraventions aux Lois et aux règlements régissant la profession d’avocat, ainsi que des infractions aux règles professionnelles visées à l’article 183 du Décret 91 11 97 du 27 novembre 1991 qui énonce :

« Toute contravention aux Lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse même se rapportant à des faits extraprofessionnels expose l’avocat qui en est l’auteur à des sanctions disciplinaires énumérées à l’article 184. »

En l’application de l’article 188 du Décret 911197 du 27 novembre 1991, le Bâtonnier soussigné a donc saisi le Conseil de discipline du ressort de la Cour d'appel de BORDEAUX des faits analysés ci-dessus dont il estime qu’ils sont susceptibles de recevoir la qualification et de justifier des sanctions prévues aux articles 183 et 184 dudit Décret.

Madame X a été entendue le 7 mars 2016 par ……………… rapporteurs et le rapport a été déposé le 15 mars 2016.

Conformément aux dispositions de l’article 192 alinéa 3 du Décret du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat, il est rappelé que dès lors que l’avocat cité aurait fait l’objet antérieurement d’une sanction disciplinaire assortie du sursis, celui-ci pourrait faire l’objet d’une révocation dans le cadre de la décision à intervenir.

DEBATS

Monsieur le Président a fait le rapport de l’affaire, rappelé les faits et mené l’instruction.

Monsieur le Président a fait le rapport de l’affaire au titre des quatre séries de faits reprochés à Maître X, constituant, selon la citation des manquements et contraventions aux :

-          Article 53 alinéa 9 de la Loi du 31 décembre 2011.

-          Article 229 du Décret du 27 novembre 1991

-          Article 235-2 alinéa 1er du Décret du 27 novembre 1991

-          Article 240 du Décret du 27, novembre 1991.

Chacune des quatre séries de faits visés par la citation a été instruite séparément et successivement, Monsieur le Président faisant un rapport et donnant la parole à Madame la Bâtonnière du Barreau de .......... en qualité d’autorité de poursuites, à Mesdames et Messieurs les membres du Conseil de l’Ordre de discipline, à l’avocat de la défense et à Madame X qui a eu la parole en dernier.

Le Président a ensuite donné la parole à Madame La Bâtonnière du Barreau de .........., autorité de poursuites au soutien de sa saisine du Conseil Régionale de discipline.

Madame La Bâtonnière du Barreau de .......... a demandé au Conseil Régional de discipline de considérer que l’ensemble des faits reprochés à Madame X étaient établis et constituaient des manquements aux obligations déontologiques tels que précisés dans la citation.

Madame la Bâtonnière de l’Ordre du Barreau de .......... a sollicité du Conseil Régional de discipline qu’il prononce la radiation de Madame X du Tableau de l’Ordre des avocats.

Le Président a ensuite donné la parole à Maître Y, avocat de Maître X qui a été entendu en sa plaidoirie.

Maître X a eu la parole en dernier pour sa défense.

Après que le Président ait déclaré les débats clos, les parties se sont retirées, laissant seuls Mesdames et Messieurs les membres du Conseil Régional de discipline pour délibérer.

DISCUSSION

I-                     Concernant les faits reprochés à Madame X dans le dossier P

Le Conseil Régional de discipline considère à la majorité que, les faits reprochés à Madame X concernant le dossier P, constituent un manquement aux obligations professionnelles relatives au maniement des fonds et à l’obligation de probité et ce malgré les dénégations de Maître X sur ce dernier point.

En effet Maître X, si elle avait considéré devant les rapporteurs qu’elle avait « forcément déposé ces sommes sur son compte professionnel », conteste à l’audience en indiquant ne pas avoir trouvé trace de ce dépôt sur son compte professionnel.

Elle ne conteste pour autant pas ne pas les avoir déposés sur son compte CARPA.

Elle ne se souvient pas non plus avoir adressé par chèque ou fait virer de son compte la somme de 2 600 € à l’attention de Monsieur P.

Pourtant, dans la sommation de payer délivrée à l’égard de Maître X le 30 novembre 2015, il est fait mention qu’après avoir conseillé à son client de ne pas relever appel de la décision rendue par le Conseil de Prud’hommes de ……., son client, Monsieur P lui avait remis le 5 décembre 2013, un chèque de 4 832 € aux fins de la transmettre à la partie adverse.

Il est également fait mention que Maître X a encaissé ledit chèque le 9 décembre 2013, mais n’a pourtant pas transmis ladite somme à la partie adverse.

C’est dans ces conditions que Madame S a fait appel à un huissier pour faire signifier un commandement de payer pour le montant de cette somme et des frais d’acte.

Monsieur P a alors de nouveau contacté son avocate Maître X, celle-ci lui indiquant avoir fait le nécessaire, mais en vain.

Elle s’est quand même engagée à lui rembourser, mais a effectué un seul versement de 2 600 € et ce malgré différentes relances.

Sur interrogation du rapporteur, Maître X n’a pas contesté que son compte professionnel ne présentait pas un solde suffisant pour permettre de verser cette somme à Madame S.

Elle a cependant pu rembourser à Monsieur P la somme de 2 600 €.

Si les pièces transmises par son conseil à l’audience concernant un compte de Madame X ne permettent pas de vérifier que ce chèque a été déposé, aucune indication n’a été donnée au Conseil relative à la possession d’autres comptes bancaires.

Si Madame X n’a pas le souvenir d’avoir déposé ce chèque, elle ne conteste pas pour autant avoir remboursé une partie du montant de cette somme à Monsieur P pour un montant de 2 600 €, ce qui constitue un aveu de l’encaissement du chèque de son client et de nécessité professionnelle de procéder à son remboursement.

Elle reconnaît encore à l’audience, que s’il était démontré qu’elle ait encaissé ce chèque, celle-ci serait prête à rembourser Monsieur P du solde.
..........

Pour autant, son conseil plaide « la relaxe » concernant le manquement à l’obligation de probité de sa cliente, considérant qu’aucune preuve du dépôt du chèque de Monsieur P sur le compte de sa cliente n’était apportée.

Le Conseil a décidé, à la majorité, que les agissements de Maître X dans ce dossier constituent des manquements relatifs au maniement des fonds ayant reçu un chèque de fonds de tiers non déposé sur son compte CARPA et un manquement à la probité en ayant encaissé sur l’un de ses comptes ou celui d’un tiers un chèque dont elle savait qu’il devait être transmis à son adversaire sur son compte.

Il est en effet constant que ce chèque a bien été débité.

Madame X n’a pas apporté la preuve en mettant à la disposition du Conseil de discipline d’autres relevés que ceux transmis par son conseil à l’audience de ce qu’elle ne détenait qu’un seul compte bancaire susceptible de pouvoir y encaisser ce chèque.

Au surplus, même en n’ayant aucun souvenir du dépôt de ce chèque, il serait étonnant que Maître X ait reconnu de rembourser le montant de cette somme à son client en ayant déjà opéré un premier acompte de 2 600 €, si elle n’avait pas conscience d’avoir encaissé le montant des condamnations sur son compte.

La sommation de payer délivrée par l’huissier mandaté par Monsieur P est particulièrement claire et précise sur les circonstances dans lesquelles Monsieur P a transmis à son avocat un chèque d’un montant de 4 832 €, encaissé par son avocat, lequel s’est engagé à lui rembourser ladite somme en ayant effectué un seul versement de 2 600 € et ce, malgré ses relances.

II-                   Concernant les faits reprochés à Madame X dans le dossier B

Il n’est pas contesté par Madame X que les trois règlements par lettre-chèque lui ont été adressés par l’Etude d’huissier …………, l’un pour un montant de 1 500 €, l’autre pour un montant de 500 € et le dernière pour un montant de 344,86 €, obtenus pour le compte de sa cliente, n’apparaissent pas sur son sous compte CARPA à ce nom.

Aucune infraction à la probité ne lui est reprochée concernant ce dossier.

Le Conseil Régional de discipline considère donc à l’unanimité que les faits reprochés dans ce dossier constituent un manquement aux obligations de maniements de fonds.

III-                  Concernant les faits reprochés à Madame X dans le dossier M

Madame X ne conteste pas ne pas avoir déposé ce chèque sur son compte CARPA tout en indiquant n’avoir aucun souvenir de ce règlement.

Elle indique aux rapporteurs qui l’ont interrogée qu’elle n’avait plus accès à son Cabinet, ni à ses comptes à compter du 21 avril 2015.

Elle indique à la question suivante ne pas avoir de souvenir d’avoir réceptionné ce courrier, auquel elle n’avait plus accès.

Elle prétend que ses administratrices ne l’ont pas informée de cette lettre-chèque.

Elle indique au surplus que le dossier M n°9294 n’apparait pas dans le listing des dossiers suivis par les administratrices parce que tous les dossiers n’étaient pas tous informatiquement référencés…

Il est précisé par l’Etude d’huissier ……. que la lettre-chèque qui lui a été adressée à son nom a été débitée de son compte le 22 avril 2015, après que le règlement a été adressé à celle-ci le 16 avril 2015 pour un montant total de 1 891,03 €.

Contrairement aux déclarations de Maître X, celle-ci avait non seulement un accès permanent à son Cabinet, même si les administratrices ont pu constater qu’elle y venait très peu, mais au surplus, à la date de la délivrance du chèque, le 16 avril 2016, sa mesure de suspension provisoire décidée par le Conseil de l’Ordre du Barreau de .......... le 14 avril précédent ne lui avait été notifiée que le 22 avril, jour du débit du chèque du compte de l’Etude d’Huissiers et date à laquelle seulement les administratrices devaient débuter leur gestion.

Le Conseil considère à l’unanimité que Maître X a donc manqué à ses obligations relatives aux maniements des fonds, alors même qu’elle avait déjà été condamnée pour des faits similaires par décision du Conseil de discipline du 18 décembre 2014.

Elle n’a pas déposé ce chèque sur son compte CARPA.

Le montant de cette condamnation concernait le règlement d’une pension alimentaire due à sa cliente par son ex-conjoint.

Pourtant, il n’est pas visé dans la citation un manquement à son obligation de probité.

IV-                 Concernant les faits reprochés à Madame X dans le dossier A

Madame X a indiqué au Conseil ce qu’elle avait déjà précisé aux rapporteurs, que c’est Maître Z du Cabinet ……. qui l’avait contactée directement sur son téléphone portable le 15 septembre 2015 en vue de l’audience du Conseil de Prud’hommes de ……. du 26 janvier 2016.

Se sachant interdite d’exercer pendant la période de suspension provisoire prononcée par le Conseil de l’Ordre du Barreau de …… du 14 avril 2015, renouvelée le 14 août de la même année pour quatre mois, elle précise n’avoir fait que transmettre à son adversaire des pièces et conclusions qu’elle avait déjà échangées avec sa cliente, la société …….. des suites de l’audience de conciliation qui s’était tenue le 9 décembre 2014, précisant à cette date qu’il s’agissait de demandes provisionnelles.

Elle dit pouvoir justifier, sans le produire à l’audience, l’accusé de réception du courrier qu’elle aurait adressé le 8 janvier 2015 à la société …………..

Raison pour laquelle elle indique au bas de son courrier, adressé sans son entête et sans date, qu’il « est tout à fait évident que si votre cliente ne vous a pas communiqué ces éléments, (elle) ne s’opposerait pas à (son) éventuelle demande de renvoi ».

Ainsi, sans écrire sur son papier à entête, ni avoir fait selon elle « d’acte d’avocat », puisque ne communicant des conclusions qu’elle avait déjà transmises selon elle à son adversaire en personne, elle considère ne pas avoir exercé illégalement la profession d’avocat.

Pourtant, le Conseil relève qu’il est surprenant que Maître X n’ait pas daté ce courrier.

Que si elle n’a pas utilisé un papier à entête, elle écrit à son confrère en débutant son courrier par la formule d’usage : « Mon Cher Confrère ».

L’enveloppe adressée à Maître Z fait par ailleurs mention du tampon professionnel de Maître X, Avocat à la Cour, ………………. , mais surtout, le Conseil relève les nombreux mensonges de Maître X, faits aux rapporteurs et au Conseil de discipline.

En effet, Maître Z a écrit le 22 septembre 2015 à Madame …….., es-qualité d’administrateur du Cabinet de , que le 15 septembre, elle avait été contactée par Maître   X, cette dernière s’étonnant de ne pas avoir été rendue destinataire de ses pièces et écritures.

Maître  Z indique que c’est à la suite de cet entretien téléphonique que son confrère adverse avait adressé ses pièces et conclusions (jointes à la présente) accompagnées d’une lettre sur papier blanc non daté.

Maître  Z avait d’abord directement écrit à Maître X le 16 septembre 2015 un courrier lui faisant part de son étonnement après leur échange téléphonique de la veille.

En effet, Maître  Z indiquait avoir été surprise que Maître X ait exprimé la sienne de ne pas encore avoir été rendue destinataire de conclusions en réplique de la société ..........

Elle lui avait en effet répondu qu’elle était sans nouvelles d’elle et qu’elle s’apprêtait à demander le renvoi de l’affaire.

Maître X lui avait alors indiqué qu’elle avait adressé ses pièces et conclusions directement à la société ........., plusieurs mois avant.

Renseignements pris auprès d’elle, la société ......... ne les a pas trouvées et ne se souvient pas les avoir reçues.

Maître  Z ne pouvait que regretter cette situation, d’abord parce qu’elle ne comprenait pas que Maître X ne lui ait pas adressé directement les éléments de la procédure (d’autant qu’ils s’étaient rencontrés à l’audience de conciliation) et ensuite parce que Maître X aurait pu s’étonner de son silence plus tôt.

Le Conseil constate en effet à la lecture du bulletin de conciliation, que l’audience s’est tenue le 9 décembre 2014.

Il y est fait mention de la présence de Maître X et de Maître  Z du Cabinet ........., tous les deux assistant leur client.

Il n’est pas fait mention dans ce bulletin, au titre des déclarations des parties, et de leurs prétentions des demandes de condamnations provisionnelles de la part de Maître X, ni de la production de conclusions, contrairement à ses déclarations à l’audience disciplinaire.

Le Conseil de discipline ne peut que relever au surplus que les conclusions transmises par Maître X dans le cadre de sa défense devant le Conseil de discipline, prises devant le Conseil de Prud’hommes de PARIS et adressées le 2 juin 2014, ne mentionnent aucune demande de condamnation provisionnelle.

Selon Maître X, ce sont ces conclusions, pourtant, qui auraient été adressées à la société ......... France par courrier recommandé, alors qu’elle savait qu’elle avait un adversaire en la personne de Maître  Z du Cabinet ..........

Mais surtout, le Conseil de discipline regrette de constater, contrairement aux affirmations de Maître X devant les rapporteurs, puis à l’audience, qu’elle a menti en mentionnant qu’elle n’avait produit aucune activité intellectuelle puisque n’ayant fait que réadresser à son adversaire des conclusions qu’elle avait déjà transmises.

Le Conseil de discipline doit relever, en comparant celles produites par elle pour l’audience de conciliation du 9 décembre 2014 et communiquées selon elle le 8 janvier 2015 et celles transmises à Maître ……, administrateur du Cabinet de Madame X qu’elle venait de recevoir de cette dernière en vue de l’audience du 21 septembre 2015, que ces dernières ne sont pas strictement identiques.

La police des écritures est différente. La date de l’audience a été modifiée.

Le dispositif des conclusions n’est pas, pour des raisons ignorées du Conseil, également strictement identique.

Elle a donc modifié ou améliorer ces conclusions avant de les adresser à son adversaire, probablement de son domicile.

Enfin, le Conseil remarque que le dossier papier n’est pas présent au Cabinet (rapport des administrateurs …………….), fait manifestant le souhait de faire échapper à ses administratrices la gestion de ce dossier.

Elle aurait pu sinon leur demander de transmettre à son adversaire, avocat, ces « mêmes » conclusions et pièces.

Le Conseil de discipline a considéré à l’unanimité que Maître X avait exercé la profession d’avocat de façon illégale, en prenant contact et adressant des écritures d’avocat à son adversaire, alors qu’elle se savait interdite d’y procéder pendant la période de suspension provisoire prononcée par le Conseil de l’Ordre du Barreau de .........., justifiant probablement qu’elle ait pris le soin d’adresser cette correspondance à son adversaire, avocat, sur lettre simple, non datée, pour faire échapper ce dossier à la gestion des administratrices.

Le Conseil de discipline relève au surplus qu’elle n’était pas couverte contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle en ce faisant.

SANCTION

Le Conseil Régional de discipline retient que Maître X a déjà été condamnée pour des faits identiques à une peine relativement clémente de six mois d’interdiction d’exercice avec sursis, par décision du 18 décembre 2014.

Il est obligé de remarquer que les faits qui lui sont reprochés dans le dossier M, pour l’encaissement d’un chèque sur son compte, sans avoir déposé celui-ci sur son compte CARPA est daté du 22 avril 2015, soit postérieurement à la première condamnation dont elle a fait l’objet, devenue définitive du 18 décembre 2014.

Le Conseil est donc contraint de constater que Maître X n’a pris aucune mesure de la clémence, mais aussi de la confiance que lui avaient accordées le Conseil de discipline en assortissant du sursis intégral l’interdiction d‘exercer pour une durée de six mois, en continuant à opérer de la même manière avec l’ensemble de ses clients par le dépôt de chèques de fonds de tiers sur ses comptes professionnels ou personnels.

L’exercice illégal de la profession d’avocat par des diligences accomplies par elle pendant une période de suspension provisoire décidée par le Conseil de l’Ordre dont elle n’avait pas interjeté appel démontre son incapacité à respecter des décisions d’interdiction d’exercer prises à son encontre.

Maître X n’a semble-t-il tiré aucun enseignement de ce sur quoi elle a déjà été jugée pour des faits identiques par une décision prononcée le 18 décembre 2014, devenue définitive, pour ne pas en avoir interjeté appel.

L’absence systématique de dépôt des fonds de tiers sur son compte CARPA est non seulement une infraction au Décret de 1991, mais également et quel que soit le montant de ces sommes reçues de tiers, la démonstration que Maître X n’a même pas compris qu’elle était dans l’impossibilité de se protéger elle-même des tentations qu’elle avait ou des difficultés financières qu’elle rencontrait de déposer des fonds de tiers sur ses comptes personnels ou professionnels.

N’ayant pu restituer la totalité des sommes qui avait été transmises par Monsieur P, pour le règlement de sa condamnation, les conséquences de cette absence de dépôt sur son compte CARPA ont été importantes, puisque Monsieur P a fait l’objet d’une saisie-attribution sur ses propres comptes bancaires.

Les difficultés financières que dit avoir rencontrées Maître X justifiant l’encaissement de ces sommes sur ses comptes sans les faire transiter sur son compte CARPA ne saurait évidemment justifier de tels agissements et caractérise son affranchissement total de l’intérêt de ses clients pour assurer le sien propre.

Si le Conseil de discipline a pu être sensible aux difficultés personnelles rencontrées par Maître X dans le cadre de sa vie privée, elles ne sauraient pourtant l’exonérer de ses obligations de probité dont le non-respect atteint sérieusement et de façon gravissime l’image de la profession d’avocat auprès des justiciables, de façon répétée et malgré un premier avertissement.

La nécessaire confiance que doit générer dans l’esprit du public la profession d’avocat ne permet pas de conserver en son sein un confrère qui commet des faits aussi graves, de façon aussi régulière, importante et fréquente, au surplus après avoir été déjà condamné à une peine d’interdiction d’exercice, fusse-t-elle assortie du sursis.

C’est dans ces conditions qu’à la majorité, le Conseil régional de discipline a décidé de prononcer la sanction de la radiation du Tableau des avocats à l’encontre de Madame   X.

PAR CES MOTIFS

Le Conseil de discipline des Barreaux du ressort de la Cour d'appel de BORDEAUX, statuant par procédure contradictoire après audience tenue à huis clos et en premier ressort :

-          Déclare Madame   X, avocat, coupable des infractions disciplinaires visées dans l’acte de saisine du 15 décembre 2015 et la citation du 8 avril 2016 pour l’ensemble des faits visés,

-          Prononce à son encontre la peine de la radiation du Tableau des avocats.


Fait à BORDEAUX le 28 avril 2016

Stéphane GUITARD                                                                                                                                 Stéphane MILON

Président                                                                                                                                                         Secrétaire